Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_165/2025
Arrêt du 6 août 2025
IIIe Cour de droit public
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Moser-Szeless, Présidente,
Parrino et Beusch.
Greffier : M. Feller.
Participants à la procédure
Commune d'Anniviers,
Administration communale, 3961 Vissoie,
représentée par Me Emmanuel Crettaz, avocat,
recourante,
contre
A.________,
représenté par Me Jacques Fournier, avocat,
intimé.
Objet
Taxes communales,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du Valais du 3 février 2025 (A1 24 38).
Faits :
A.
A.a. A.________ s'était associé dans le cadre d'un projet immobilier concernant la construction de neuf chalets et pour lequel un permis de construire avait été délivré par le Conseil communal de la commune de U.________ (canton du Valais) en 2006 et 2007.
À la suite d'une fusion de cinq communes dans le canton du Valais, la commune d'Anniviers a repris le 1er janvier 2009 tous les droits et obligations de la commune de U.________.
A.b. Le 20 août 2010, le Conseil communal de la commune d'Anniviers a adressé à A.________ deux factures, respectivement d'un montant de 87'467 fr. 90 pour la taxe unique de raccordement au réseau d'eau potable et à celui des eaux usées (ci-après: la taxe de raccordement) ainsi que d'un montant de 21'600 fr. pour la taxe unique de remplacement (ci-après: la taxe de remplacement) pour six places de stationnement manquantes. Ces deux factures ont été confirmées en dernière instance par le Tribunal fédéral le 23 janvier 2018 (arrêt 2C_805/2017), qui a reconnu A.________ comme débiteur des montants de 87'467 fr. 90 et de 21'600 fr. envers la commune d'Anniviers pour les taxes de raccordement et de remplacement. A.________ s'est acquitté de ces montants le 23 août 2019.
A.c. Le 4 février 2021, la commune d'Anniviers a adressé à A.________ trois factures portant sur les intérêts moratoires de 5 % dus sur les créances relatives aux taxes de raccordement et de remplacement. La première facture mentionnait un intérêt moratoire de 9'255 fr., lequel avait été calculé sur une somme de 21'000 fr. (taxe de remplacement) sur une période de 3188 jours (du 15 octobre 2010 au 23 août 2019); la deuxième facture mentionnait un intérêt moratoire de 7'778 fr. 30, lequel avait été calculé sur une somme de 17'539 fr. 50 (taxe de raccordement) sur une période de 3193 jours (10 octobre 2010 au 23 août 2019); la troisième et dernière facture mentionnait un intérêt moratoire de 31'011 fr. 30, lequel avait été calculé sur une somme de 69'928 fr. 40. (taxe de raccordement) sur une période de 3193 jours (10 octobre 2010 au 23 août 2019).
A.d. La réclamation de A.________ dirigée contre ces trois factures a été rejetée le 17 juin 2021 par le Conseil municipal d'Anniviers qui a confirmé que la commune pouvait percevoir des intérêts moratoires sur les taxes de raccordement et de remplacement.
A.e. Par décision du 17 janvier 2024, le Conseil d'État valaisan a admis le recours déposé par A.________ contre la décision sur réclamation de la commune d'Anniviers relative aux intérêts moratoires et l'a annulée. Il a considéré, en bref, qu'il n'existait aucune base légale permettant à la commune de réclamer des intérêts moratoires sur les taxes de raccordement de remplacement.
B.
Par arrêt du 3 février 2025, le Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, a rejeté le recours de la commune d'Anniviers contre la décision du 17 janvier 2024.
C.
La commune d'Anniviers interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt. Principalement, elle conclut à l'admission de son recours, à l'annulation de l'arrêt cantonal ainsi qu'à la confirmation de sa décision rendue le 17 juin 2021. Subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour qu'il rende une nouvelle décision au sens des considérants.
A.________ conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et subsidiairement à son rejet. La commune d'Anniviers s'est encore déterminée sur la réponse.
Considérant en droit :
1.
1.1. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant pas sous le coup des exceptions de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc en principe ouverte.
1.2. Le présent recours a été déposé par une commune du canton du Valais. La qualité pour recourir des collectivités publiques est prévue en premier lieu par l'art. 89 al. 2 let. c LTF. Selon cette disposition, ont qualité pour recourir les communes qui invoquent la violation de garanties qui leur sont reconnues par la Constitution fédérale ou la constitution cantonale. Sont en particulier visés les cas où les communes peuvent invoquer la garantie de leur autonomie communale, ancrée au niveau fédéral à l'art. 50 al. 1 Cst. Il n'est pas nécessaire que la commune soit réellement autonome pour bénéficier de la qualité pour recourir fondée sur l'art. 89 al. 2 let. c LTF. Il suffit pour cela qu'elle allègue d'une manière recevable une violation de son autonomie communale et qu'elle soit touchée par l'acte cantonal en tant que détentrice de la puissance publique. Savoir si la commune est effectivement autonome dans le domaine litigieux, et si cette autonomie a été violée en l'espèce, sont des questions qui relèvent du fond (cf. ATF 147 I 136 consid. 1.2; 146 I 83 consid. 1.2).
Comme le fait valoir valablement la recourante, la perception de taxes de raccordement aux réseaux de distribution et d'évacuation des eaux ainsi que de remplacement des places de stationnement relève de la compétence des communes valaisannes (cf. art. 14 de la loi cantonale du 16 novembre 1978 concernant l'application de la loi fédérale du 8 octobre 1971 sur la protection des eaux contre la pollution [Recueil officiel du canton du Valais - 1979], abrogée en 2013, selon les art. 17 et 51 de la loi cantonale du 16 mai 2013 sur la protection des eaux [LcEaux; RS/VS 814.3]; art. 221a al. 1 de la loi cantonale du 3 septembre 1965 sur les routes [LR; RS/VS 725.1]) et également de leur autonomie (art. 50 al. 1 Cst.; art. 69 et 70 de la Constitution du 8 mars 1907 du canton du Valais [Cst./VS; RS 131.232]; art. 2 et 6 al. 1 let . c, d et e de la loi cantonale du 5 février 2004 sur les communes [LCo; RS/VS 175.1]). Dans la mesure où la commune se prévaut de son autonomie financière, en alléguant que la perception d'intérêts moratoires sur les taxes de raccordement et de remplacement relève de ses prérogatives en matière de perception de taxes, elle apparaît touchée en tant que détentrice de la puissance publique et dispose ainsi de la qualité pour recourir sur la base de l'art. 89 al. 2 let. c LTF (cf. arrêt 2C_173/2013 du 17 juillet 2013 consid. 1.2).
1.3. Pour le surplus, le présent recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF). Il convient donc d'entrer en matière.
2.
2.1. Le Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit fédéral et du droit constitutionnel cantonal (art. 95 let. c LTF). La notion de droit constitutionnel cantonal inclut également les garanties que les constitutions cantonales accordent aux communes ou à d'autres corporations de droit public, telles que leur autonomie (ATF 150 I 80 consid. 2.1 et les références).
Il ne revoit en revanche l'interprétation et l'application des autres dispositions de droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire, puisque la violation du droit cantonal ne constitue pas un motif de recours (ATF 150 I 80 consid. 2.1; 147 I 433 consid. 4.2; 146 II 367 consid. 3.1.5). Dans ce cas, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. Lorsque l'interprétation défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, elle est confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 145 II 32 consid. 5.1; 143 I 321 consid. 6.1). Une exigence de motivation accrue prévaut pour la violation des droits constitutionnels tels que la prohibition de l'arbitraire. Selon le principe d'allégation, la partie recourante doit expliquer de façon circonstanciée en quoi consiste la violation, respectivement où réside l'arbitraire (art. 106 al. 2 LTF; cf. ATF 150 I 80 consid. 2.1 et les références).
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. La partie recourante ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 150 II 346 consid. 1.6 et les références).
3.
Le litige porte sur le droit de la commune d'Anniviers de percevoir un intérêt moratoire sur des taxes communales.
4.
La recourante reproche à la juridiction cantonale d'avoir violé le droit fédéral en considérant qu'elle ne pouvait prélever aucun intérêt moratoire sur les taxes de raccordement et de remplacement, au motif que cette perception ne reposait sur aucune base légale. La commune d'Anniviers soutient, en substance, que la perception d'intérêts moratoires (obligation accessoire) constituerait une institution générale du droit, également applicable en droit administratif, sans qu'il soit ainsi nécessaire de la prévoir dans une base légale formelle si l'impôt (obligation principale) y figure. Selon la recourante, il conviendrait donc d'appliquer les art. 102 ss CO par analogie, qui permettraient la perception d'un intérêt moratoire de 5 % l'an par le créancier en cas de retard du débiteur dans l'exécution de son obligation, dont l'échéance aura été fixée au préalable et de manière précise. Cette condition serait réalisée en l'espèce, dès lors que la juridiction cantonale aurait constaté que l'intimé était en demeure dans le paiement des taxes de raccordement et de remplacement.
5.
5.1. L'obligation de verser des intérêts moratoires sur des dettes d'argent est une institution générale du droit. Il est donc admis qu'une créance pécuniaire de droit public porte intérêt lorsque son débiteur se trouve en demeure, sous réserve de l'existence de dispositions légales qui prévoient le contraire (ATF 143 II 37 consid. 5.2.1; 101 Ib 252 consid. 4b; arrêt 2C_454/2020 du 5 août 2021 consid. 11.1 et les références). L'obligation de payer des intérêts moratoires est en tout cas reconnue lorsque la structure du rapport du droit est identique à celle que l'on pourrait rencontrer en droit privé (Poltier/Moor, Droit administratif, vol. II, 2e éd. 2011, p. 86). En droit fiscal en revanche, le Tribunal fédéral a, dans un arrêt ancien, exigé la présence d'une base légale expresse (cf. ATF 94 I 384 consid. 5; cf. toutefois, en lien avec la taxe militaire, ATF 95 I 258 consid. 3). La doctrine est partagée sur cette question (arrêt 2C_454/2020 du 5 août 2021 consid. 11.1 et les références à la doctrine citées).
5.2. La question de savoir si une base légale est nécessaire pour prélever un intérêt moratoire en cas de retard dans le paiement des taxes de raccordement et de remplacement peut rester encore une fois indécise en l'espèce. En effet, même à supposer que la perception d'un intérêt moratoire devait être admise en tant que principe général du droit, comme le fait valoir la recourante, il conviendrait encore d'en déterminer le dies a quo et le taux d'intérêt, questions qui relèvent en l'occurrence du droit cantonal. La juridiction cantonale, qui a rejeté le recours de la commune d'Anniviers, n'a toutefois pas traité de ces questions dans son arrêt et le Tribunal fédéral n'a dès lors pas à examiner d'office ce point, comme il le ferait en présence de droit fédéral (cf. arrêt 2C_454/2020 du 5 août 2021 consid. 11.2).
Quant à la recourante, qui se limite à réclamer un intérêt moratoire de 5 % sur les taxes de raccordement, à compter du 10 octobre 2010, et de remplacement, à compter du 15 octobre 2010 (cf. faits A.c supra), elle se fonde sur l'application par analogie des art. 102 ss du CO, en invoquant à tort une violation du droit fédéral. En effet, elle perd de vue que même si ces dispositions étaient applicables par analogie dans le cas présent, elles constitueraient des normes de droit cantonal supplétif, dont l'examen par la Cour de céans ne pourrait être effectué que sous l'angle de l'arbitraire, et ce, pour autant que la recourante satisfasse aux exigences de motivation accrues (cf. ATF 138 I 232 consid. 2.4, sur la notion de droit cantonal supplétif et son examen limité par le Tribunal fédéral). Or tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque la recourante se limite à invoquer la violation du droit fédéral (art. 102 ss CO), alors qu'il s'agit de droit cantonal (supplétif), dont la violation ne peut pas être invoquée seule, mais uniquement si elle relève de la violation du droit fédéral en lien avec l'arbitraire ou d'autres droits constitutionnels (consid. 2.1 supra). Le recours ne satisfait dès lors pas aux exigences de motivation accrue découlant de l'art. 106 al. 2 LTF.
6.
Compte tenu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 et 4 a contrario LTF). L'intimé a droit à des dépens ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimé la somme de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, et au Conseil d'État du canton du Valais.
Lucerne, le 6 août 2025
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Moser-Szeless
Le Greffier : Feller